Paroles (Gallimard 1949) Pour plus d'informations sur ces deux auteurs vous pouvez consulter sur Internet les articles qui leur sont consacrés: Guy Tirolien Jacques Prévert Bonne lecture, excellente rentrée à toutes et à tous et à bientôt pour une prochaine chronique Sortie de classe à Terre-de-Haut- Années 50 – Archives Joyeux Raymond Joyeux Pointe-à-Pitre, le 3 septembre 2018 Cet article a été publié dans Littérature. Ajoutez ce permalien à vos favoris.
Le poème, connu dans le monde entier, s'intitule Prière d'un petit enfant nègre. Il est paru dans le recueil Balles d'Or (1943) de Guy Tirolien, poète guadeloupéen engagé dans la Négritude. Vous ne vous contenterez pas de le lire, ce n'est pas votre genre, oh non. Vous l'apprendrez, tellement vous l'aimerez. Seigneur je suis très fatigué, Je suis né fatigué. Et j'ai beaucoup marché depuis le chant du coq Et le morne est bien haut qui mène à leur école. Seigneur, je ne veux plus aller à leur école, Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus! Je veux suivre mon père dans les ravines fraîches Quand la nuit flotte encore dans le mystère des bois Où glissent les esprits que l'aube vient chasser. Je veux aller pieds-nus par les rouges sentiers Que cuisent les flammes de midi, Je veux dormir ma sieste au pied des lourds manguiers, Je veux me réveiller Lorsque là-bas mugit la sirène des blancs Et que l'Usine Sur l'océan des cannes Comme un bateau ancrée Vomit dans la campagne son équipage nègre… Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus.
Prière d'un petit enfant nègre est un poème de la négritude qui fait partie du recueil Balles d'or, écrit par Guy Tirolien et publié en 1943. Guy Tirolien fait la connaissance de Léopold Sédar Senghor en 1940 dans le stalag où ils sont prisonniers des Allemands. Guy Tirolien est né en Guadeloupe le 13 février fut engagé dans le combat de la Négritude, aux côtés de Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire. Tirolien prend une part active dans la vie du RDA (Rassemblement Démocratique Africain), parti anticolonialiste fondé en 1946. En 1961, il publie son premier recueil de poèmes, Balles d'or, chez Présence Africaine à Paris. Il a contribué efficacement au rapprochement entre les Africains et les Antillais. Il reste dans l'administration dans les pays indépendants: au Niger, il est Commissaire à l'information culturelle (1961-1965), ensuite, il est représentant des Nations-Unies au Mali (1965-1970) et au Gabon (1970-1973). Il est Conseiller culturel du deuxième Festival Mondial des Arts Nègres au Nigéria (1975-1976).
Seigneur je ne veux plus aller à leur école. Guy Tirolien (1917 – 1988)
Et puis elle est vraiment trop triste leur école, Triste comme Ces messieurs de la ville, Ces messieurs comme il faut Qui ne savent plus danser le soir au clair de lune Qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds Qui ne savent plus conter les contes aux veillées. Seigneur, je ne veux plus aller à leur école!
Ils racontent qu'il faut qu'un petit nègre y aille pour qu'il devienne pareil aux messieurs de la ville aux messieurs comme il faut; mais moi je ne veux pas devenir comme ils disent un monsieur de la ville un monsieur comme il faut. Je préfère flâner le long des sucreries où sont les sacs repus que gonfle un sucre brun autant que ma peau brune. Je préfère vers l'heure où la lune amoureuse parle bas à l'oreille des cocotiers penchés écouter ce que dit dans la nuit la voix cassée d'un vieux qui raconte en fumant les histoires de Zamba et de compère Lapin et bien d'autres choses encore qui ne sont pas dans leurs livres. Les nègres vous le savez n'ont que trop travaillé pourquoi faut-il de plus apprendre dans des livres qui nous parlent de choses qui ne sont point d'ici. Et puis elle est vraiment trop triste leur école triste comme ces messieurs de la ville ces messieurs comme il faut qui ne savent plus danser le soir au clair de lune qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds qui ne savent plus conter les contes aux veillées.