« Soyez vous-même » Phrase qui n'est pas sans évoquer le fameux « Connais-toi toi-même » de Socrate, s'affiche sur le mur du bureau de la DRH d'une entreprise commercialisant de l'eau de Javel. C'est en effet, à un entretien d'embauche que nous allons assister, puisqu'il s'agit d'embaucher une « communicante », capable de faire vendre un maximum. La candidate en lice, semble avoir toutes les qualités requises pour l'emploi: sens du relationnel, capacités intellectuelles et qui plus est, qualités physiques. Elle va tout faire pour obtenir ce, l'auteur et metteur en scène, Côme de Bellescize, s'est amusé à transformer cet entretien d'embauche en rite initiatique afin de découvrir ce qu'il y a derrière cette perfection de façade. C'est l'objectif de la DRH, briser la carapace, révéler les failles les plus intimes. Jusqu'où peut aller un entretien? « Il faut que vous vous dépossédiez de votre carapace. Vous me dressez un portrait tellement triste et convenu. Je m'ennuie! Lâchez prise! Donnez-moi quelque chose de vrai, d'unique, d'instantané.
"Je me suis inspiré de l'inscription "connais-toi toi-même" au fronton du temple de Delphes, dont Socrate fait le principe de la philosophie, pour transformer un entretien d'embauche en quête de soi baroque, loufoque et absurde. Le texte mêle ainsi interrogations philosophiques et réflexions sur les rapports humains au travail. " (Côme de Bellescize) TELERAMA (TT) « Un sadomasochisme cocasse et drôle. Les deux comédiennes s'opposent en tous points et sont toutes deux excellentes. » Sylviane Bernard-Gresh LE FIGARO "Côme de Bellescize abandonne en route la métaphore qu'il pourrait filer à partir de l'eau de Javel… Mais il n'est pas avare d'invraisemblable et de cruauté. Il s'appuie sur deux comédiennes que l'on connaît et que l'on admire. Fannie Outeiro, avec sa vitalité heureuse, Éléonore Joncquez avec son sens de la précision, son audace à faire vivre des personnages très différents. " Armelle Héliot OUEST FRANCE « Une claque. Un coup au cœur du spectateur. Soyez vous-même réunit sur le plateau une directrice de communication et une candidate postulant pour la seconder.
Le théâtre de Belleville nous propose actuellement une création singulière, Soyez vous-même. Ce spectacle de Côme de Bellescize s'avère être un réquisitoire savoureux et glaçant des techniques de recrutement en entreprise. Ce spectacle jubilatoire est à découvrir de toute urgence! Le point fort du spectacle est sans nul doute l'interprétation incroyable d'Eléonore Joncquez et de Fannie Outeiro dans des registres totalement opposés. Fannie Outeiro interprète cette jeune femme qui se soumet à un entretien d'embauche et qui au fil de la pièce va se révéler de très professionnelle à totalement extravertie. Elle réalise ici une belle performance du plus haut comique à travers la truculence de son personnage. Eléonore Joncquez dans une opposition de style campe un personnage névrotique et introverti. Elle établit elle aussi une formidable performance à travers ce rôle de composition. Côme de Bellescize dans cette mise en scène précise s'est nourri également des différences physiques des deux protagonistes pour souligner cet entretien hors-normes.
En ce sens, il ne faut pas attendre de ce spectacle un intérêt documentaire, car il n'y a là aucun réalisme, et c'est tant mieux. Par exemple, il est bien possible de trouver cette inscription grecque accrochée au mur chez un DRH ou un chef de vente. Quiconque est passé par ce genre de bureau peut en témoigner. On la trouvera même sur des T-shirts. Mais n'attendez pas que le dit DRH ou chef de vente en fasse l'exégèse. Cette inscription qui est au coeur de la démarche socratique, qui est rapportée, questionnée, réfléchie, poursuivie, transfigurée par Platon, reprise, étudiée, commentée par les philosophes du monde occidental depuis l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui, ce DRH n'y entend rien, et elle ne l'intéresse pas, sinon seulement comme decorum. Mais la DRH « yin » de Soyez vous-même s'y intéresse, elle, ce qui lance la pièce dans un parfait surréalisme. Un monde surréel où les entreprises chercheraient à surmonter la division du sujet, à la traiter d'une manière ou d'une autre, comme si elle était aussi instrumentalisable que la division du travail.
Loisirs et profession, ça n'est pas division – allons donc! C'est complémentaire, et ça forme le yin et le yang d'une vie réussie. La vérité est que loisir et profession n'y font rien. Bien malin qui pourrait se vanter d'avoir réuni le sujet (même en s'initiant à la pensée asiatique). Descartes himself n'y songe pas, puisque pour lui, là où je pense, je suis; mais là où je ne pense pas, il faut que Dieu me garde! Alors Soyez vous-même, pour peu qu'on puisse trouver des repères dans cette très belle scène surréaliste de Côme de Bellescize, ce serait l'histoire singulière d'une « DRH » perverse, qui tombe sur une personne vertueuse, droite, courageuse et naïve (Agnès sort de L'Ecole des femmes et cherche du boulot). Cette dernière, comme Agnès, élève l'innocence et la positivité à un degré tel qu'elle ira jusqu'au bout des propositions malsaines de la DRH. Celle-ci, en revanche, a choisi la vie en réduction (tout comme Arnolphe). Elle prétend s'être délavé les yeux à l'eau de Javel, pour ne plus jamais voir la méchanceté et la bassesse du monde.
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Et pour couronner le tout la directrice est aveugle et joue avec méchanceté de son handicap. « La Javel est un produit moral parce que la Javel purifie. Passez vos maisons à la Javel, vous serez sauvé des bactéries et des impuretés. Il n'y a pas de vrai bonheur sans Javel. Il faut produire de la doctrine; notre métier, c'est de mettre de la Javel dans le cœur des hommes... » assène la directrice. Pendant une heure et demie les deux femmes vont s'affronter dans un échange qui n'a d'entretien d'embauche que le nom. Dès le départ les questions abordées dépassent le cadre professionnel et la situation ne fera que tendre irrémédiablement vers l'absurde et la folie. Jusqu'où ira la jeune femme pour obtenir cet emploi? Jusqu'au bout d'elle-même apparemment, mais quelle est sa limite? Les deux actrices, Elénonore Joncquez et Fannie Outeiro, sont remarquables dans leur interprétation de ces rôles jusqu'auboutistes. Les gestes et les attitudes de chaque personnage sont étudiés avec soin et la façon dont ils prennent tour à tour le dessus l'un sur l'autre est psychologiquement très intéressante.