ARGAN Monsieur Purgon. TOINETTE Cet homme-là n'est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins. De quoi dit-il que vous êtes malade? Il dit que c'est du foie, et d'autres disent que c'est de la rate. Ce sont tous des ignorants. C'est du poumon que vous êtes malade. Du poumon? Oui. Que sentez-vous? Je sens de temps en temps des douleurs de tête. Justement, le poumon. Il me semble parfois que j'ai un voile devant les yeux. Le poumon. J'ai quelquefois des maux de cœur. Je sens parfois des lassitudes par tous les membres. Et quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre, comme si c'étaient des coliques. Le poumon. Vous avez appétit à ce que vous mangez? Oui, monsieur. Le poumon. Vous aimez à boire un peu de vin. Le poumon. Il vous prend un petit sommeil après le repas, et vous êtes bien aise de dormir? Le poumon, le poumon, vous dis-je. Que vous ordonne votre médecin pour votre nourriture? Il m'ordonne du potage. (Molière-le malade imaginaire)
Le problème de notre monde, ce n'est pas la tête. Ce n'est pas qu'elle soit spécialement bien faite ou bien pleine, mais elle est là, la tête. Elle était même confortablement posée sur le coussin douillet de Biarritz, ce week-end. C'est sûr, toutes sortes d'idées plus ou moins saugrenues ou avouables la traversent, de l'arrogance d'un président à la mégalomanie d'un autre, d'un rêve de grandeur à une nostalgie mal placée. Mais bon, la Terre ne va pas s'arrêter de tourner pour une petite migraine. Le problème de notre monde, ce n'est pas le cœur. Il a en, du cœur, le monde. Ça cogne et ça se bat, partout et tous les jours. Non, le problème de notre monde, c'est le poumon. Et le malade n'est pas imaginaire. Notre problème, celui qui arrêtera, un jour, notre course folle, c'est le gros trou que nous nous faisons dans la forêt amazonienne qui part en fumée sous nos yeux, dans la couche d'ozone, dans la calotte glaciaire. Ne nous y trompons pas: c'est l'oxygène qui va nous manquer, pas les idées et pas les bonnes âmes.