D'où la question que soulève son livre: et l'amour dans tout ça? Une interrogation qui revient à la lecture du nouveau récit de Catherine Millet, Jour de souffrance: l'auteur y évoque, notamment, la jalousie qu'elle a ressentie au regard des infidélités de son mari, quand bien même leur couple fonctionnait dans le respect mutuel de la liberté de chacun. Mais les liaisons secrètes de Jacques enflamment l'imagination de Catherine, la font souffrir malgré elle, bousculant ses stéréotypes sur la libération sexuelle et occasionnant un sentiment d'exclusion. Egalement écrit de façon très clinique, Jour de souffrance, est une sorte de pendant introspectif de La Vie sexuelle de Catherine M., beaucoup plus masturbatoire, physiquement et intellectuellement. Mais pas tellement plus sentimental, hélas... Opinions Chronique Christophe Donner Chronique Frédéric Filloux Chronique Par Gérald Bronner* Tribune Par Denys de Béchillon*
Vendredi 6 avril 2001, 23 heures. Sur France 2, Bernard Pivot présente un Bouillon de culture «moralement incorrect», pour reprendre le thème de l'émission ce soir-là. L'animateur a convié la journaliste écrivain Christine Arnothy, le peintre Bernard Dufour, auteur de Mes modèles, femmes nues à l'atelier, ainsi que le dessinateur Siné, qui publie le volume V de Ma vie, mon oeuvre, mon cul. Deux autres invités complètent le plateau, inconnus du grand public mais pas de l'intelligentsia: Catherine Millet, 53 ans, directrice de la rédaction de la très sélecte revue Art Press, et son mari, Jacques Henric, 62 ans, écrivain. La première signe, sous son nom, un récit au titre sans ambiguïté, La Vie sexuelle de Catherine M. (Seuil). Le second vient parler de son livre, qui paraît simultanément: Légendes de Catherine M. (Denoël), soit 32 photographies en noir et blanc de sa femme dénudée. Face à un Bernard Pivot émoustillé, Catherine Millet fait sensation, mais pas encore scandale: son air ingénu, sa simplicité désarmante et sa mise de bourgeoise raffinée tranchent sacrément avec les descriptions licencieuses de sa sexualité débridée!
Par précaution, un copain m'accompagnait de loin. Je n'ai aucun souvenir de la discussion, de l'arrangement envisagé; le type prenait beaucoup de soin, me semblait-il, à parler de la femme que nous devions retrouver, pendant que moi, n'arrivant sans doute pas à m'imaginer à la place de la prostituée, j'inversais les rôles et me représentait cette femme sous les traits d'une call girl vieillissante, les cheveux décolorés, une lingerie qui n'adhère pas à la chair, renversée sur un dessus-de-lit pelucheux, silencieusement autoritaire. En dépit de ma naïveté, j'ai tout de suite compris, quand il m'a entraînée dans un des petits hôtels de la rue Jules-Chaplain que je connaissais, que je ne verrai jamais cette femme. Peut-être que d'en avoir tant parlé l'avait immédiatement rejetée dans l'espace de l'imaginaire. " Millet, la Vie sexuelle de Catherine M, p. 76. Seuil, 2001
Bien que je sois peu entreprenante, j'ai souvent improvisée une pression de la cuisse ou un croisement de chevilles avec mon voisin de table, (ou de préférence avec ma voisine (cela porte moins à conséquence) dans le but de me sentir enfin spectatrice lointaine, affairée ailleurs, de l'assemblée qui poursuit. " Catherine Millet, la Vie sexuelle de Catherine M, p. 58, Seuil, 2001 Page 76, elle réitère cette idée. Alors que Catherine Millet manque d'argent, une amie lui propose de se prostituer auprès d'une femme car " cela porte moins à conséquence ": (…) " Pourtant j'en manquais. Une ancienne amie de lycée voulut me rendre service. Une relation lui avait proposé de rencontrer une femme à la recherche de très jeunes femmes. Elle n'osait pas y aller mais pensait que ça pouvait m'intéresser. Elle avait l'idée que faire ça avec une femme " portait moins à conséquence " qu'avec un homme. J'ai obtenu un rendez-vous dans un café de Montparnasse, avec un intermédiaire méfiant, un homme de trente-cinq ans environ qui ressemblait à un agent immobilier.
Toute ma figure barbotait dans son épaisse vulve. Je n'avais jamais gobé un ourlet aussi gonflé qui remplît en effet la bouche, ainsi que l'expriment les Méridionaux autant qu'un gros abricot. Je me collais à ses grandes lèvres comme une sangsue après quoi je lâchais le fruit pour étirer la langue à en déchirer le frein, profiter le plus en avant possible de la douceur de son entrée, une douceur à côté de laquelle celle du dessus des seins ou de l'arrondi des épaules n'est rien. Elle n'était pas du genre à se trémousser, elle laissait échapper de petits gémissements brefs, aussi doux que le reste de sa personne. Leur résonance était sincère et j'en retirais une terrible exaltation. Comme je m'employais bien alors à têter le petit nœud de chair en saillie, comme je me laissais aller à l'écoute de cette pâmoison! Quand nous nous sommes tous rhabillés dans la gaieté et l'agitation d'un vestiaire de club de sport, Paul, qui disait les choses plus franchement que tous les autres s'adressa à elle: Alors?
Un vrai tue l'amour. Nicolas d' Estienne d'Orves ( Mis en ligne le 17/05/2001) Imprimer