Vingt théologiennes se sont réunies pour relire des textes bibliques et dépasser les stéréotypes. Un contenu proposé par LibreSens Publié le 29 novembre 2018 Lire directement l'article sur LibreSens « Quand vingt théologiennes se mettent ensemble pour relire des textes bibliques, il en nait un projet très peu modeste: Une bible des femmes! Une bible commentée par des femmes, et qui n'oublient pas les hommes! » L'idée n'est pas nouvelle car en 1898 déjà paraissait la Woman Bible sous la houlette de l'américaine Elisabeth Cady Stanton avec un comité de vingt femmes suffragettes… Les temps ont changés, et aujourd'hui le projet de cet ouvrage est de dépasser les stéréotypes encore trop ancrés dans nos mentalités et de faire connaitre les travaux de biblistes femmes et hommes qui ont changé les interprétations bibliques au sujet des femmes. La particularité de ces vingt théologiennes c'est qu'elles sont aussi bien catholiques que protestantes, elles viennent de divers milieux culturels: le Québec, la France, la Suisse, le Bénin, le Cameroun, l'Allemagne, la Belgique.
Sophie de Villeneuve: De la Bible, on connaît les femmes célèbres, mais il en est aussi beaucoup d'autres dont on ignore le nom. Et j'ai découvert avec votre livre que l'Ancien Testament est peuplé d'une multitude de femmes! M. L. : J'en ai compté une centaine. Tout le monde connaît Judith, qui a coupé la tête du général des armées assyriennes, Esther, qui a sauvé son peuple en épousant Assuérus, mais qui connaît ces femmes dont on ne sait pas le nom? Si je vous demande comment s'appelaient les filles d'Eve, vous serez bien embarrassée. Et comment s'appelait la femme de Lot, qui a quitté la ville de Sodome, et qui a été transformée en statue de sel pour s'être retournée sur son destin funeste? Il n'y a pas même son nom au pied de la statue. On parle d'elle comme de la femme de Lot… M. : On parle de la femme et des filles de Lot, alors que ces filles se sont approchées de leur père pour enfanter et lui assurer une descendance. On cite le nom des enfants qui sont nés de ces incestes, mais pas celui des filles qui n'a pas d'importance.
À lire aussi" Rooney Mara incarne Marie Madeleine, l'énigmatique disciple de Jésus Donner la parole à Marie On se bat contre une lecture littéraliste qui prend les textes au premier degré Les théologiennes prennent également soin de replacer les textes dans leur contexte et leur portée, notamment quand elles relisent certaines lettres envoyées par Saint Paul aux communautés chrétiennes naissantes contenant des passages pouvant facilement être lus comme radicalement antiféministes. "C'est comme si on prenait des lettres que quelqu'un envoie pour donner des conseils en considérant qu'ils sont valables pour l'éternité; (... ) c'est pour ça qu'on se bat contre une lecture littéraliste qui prend les textes au premier degré", affirme Elisabeth Parmentier. Les théologiennes abordent ainsi la Bible à travers différentes thématiques: le corps, la séduction, la maternité, la subordination... Le livre s'achève en donnant la parole à Marie, la mère de Jésus. Et à l'heure où le mouvement #Metoo a redonné vigueur au combat féministe, "chaque chapitre prend appui sur des questions existentielles des femmes, des questions qui se posent aujourd'hui", souligne encore Elisabeth Parmentier.
La Bible parle de la beauté de plusieurs femmes: - Sara: A leur arrivée en Égypte, Abram demande à Sara de se faire passer pour sa sœur en raison de sa beauté: il craint que le Pharaon la désire et le fasse mettre à mort. Les Égyptiens remarquent qu'elle est "très belle" et les intendants du Pharaon la lui vantent. Quand Sara est emmenée chez le Pharaon, la maison royale est frappée de malheurs. Le Pharaon libère alors Abram et son épouse en leur demandant de quitter l'Égypte. Genèse 12. 11-20 - Rebecca: Une jeune fille très belle. Genèse 24. 16 - Rachel: Jacob a succombé à sa beauté. Genèse 29. 17 - Abigaïl: David n'y a sûrement pas été insensible. 1 Samuel 25. 3 - Bath Chéba: David abuse d'elle et fait mourir son mari. 2 Samuel 11. 2 - Tamar, fille de David: son demi-frère Amnon en tombe amoureux et la viole. 2 Samuel 13. 1 - Esther: utilisée par Dieu pour toucher le cœur du roi Assuérus. Esther 2. 2; 2. 7 - Les filles de Job: Dans tout le pays on ne trouvait pas de femmes aussi belles.
"Nos chapitres scrutent des errances de la tradition chrétienne, des occultations, des traductions tendancieuses, des interprétations partiales, des relents du patriarcat qui ont pu mener à nombre de restrictions, voire d'interdits pour les femmes", expliquent les auteures en introduction de l'ouvrage. "Dans un passage de l'Évangile selon Saint Luc, qui met en scène Marthe et Marie (deux sœurs qui reçoivent la visite de Jésus), détaille par exemple Elisabeth Parmentier, il est écrit que Marthe assure le "service", on a donc dit que Marthe servait le repas alors que le terme grec diakonia peut également avoir d'autres sens, par exemple signifier qu'elle était peut-être diacre. " Autre exemple de lecture féministe avec Marie-Madeleine ou Marie de Magdala. "C'est le personnage féminin qui revient le plus dans les Evangiles, rappelle Lauriane Savoy. Elle reste avec Jésus, y compris lorsqu'il va mourir sur la croix alors que tous les disciples hommes ont eu peur, c'est elle qui va au tombeau en premier et découvre la résurrection (... ), c'est un personnage fondamental alors qu'on l'a pourtant décrite comme une prostituée qui était aux pieds de Jésus, peut-être même l'amante de Jésus dans des fictions récentes", constate Lauriane Savoy.