En 1983, Patrice Chéreau, tout nouveau directeur des Amandiers, à Nanterre, met en scène sa première pièce contemporaine. C'est Combat de nègre et de chiens, d'un jeune auteur inconnu nommé Bernard-Marie Koltès. Un coup de maître. Un coup de théâtre. Dans la presse, c'est l'événement. Le Quotidien de Paris titre: «Amandiers: enfin vint Koltès». Et ajoute: «Avec lui, le théâtre ne va peut-être plus manquer de vrais textes. » Bernard-Marie Koltès a 35 ans. Il écrit depuis plus de dix ans pour le théâtre quand Chéreau le révèle au grand public. Quai ouest koltes texte de l’intervention r. Cette rencontre d'un des plus grands artistes du moment avec un auteur talentueux prend place dans la légende aux côtés des célèbres duos Barrault-Claudel et Blin-Genet. Les deux hommes ont le même âge, ils s'admirent (Koltès a vu six fois La Dispute, de Marivaux, par Chéreau) et se complètent. A l'exception de Roberto Zucco, Chéreau, épaulé par son scénographe Richard Peduzzi, crée toutes ses pièces de 1983 à sa mort, en 1989. Et enchaîne, coup sur coup, Combat..., en 1983, avec Michel Piccoli et Myriam Boyer, Quai ouest, en 1986, avec Maria Casarès et Catherine Hiégel, Dans la solitude des champs de coton, en 1987, avec Laurent Malet et Isaach de Bankolé, suivi du Retour au désert, en 1988, avec Jacqueline Maillan, star du Boulevard, pour qui l'écrivain compose le rôle de Mathilde.
Comme un texte prémonitoire sur l'exclusion et les marges, Bernard-Marie Koltès, l'un des auteurs dramatiques les plus importants de la fin du 20ème siècle, imagine le quai ouest comme un territoire mythique où squattent des âmes errantes « vivant comme des pauvres chiens oubliés dans le noir ». C'est à cet endroit a priori déserté que Maurice Koch se fait conduire par sa secrétaire afin de s'y jeter à l'eau et d'en finir. Quai ouest koltes texte de pierre kropotkine. Mais cet homme d'affaires est confronté à une bande de canailles et de malandrins qui négocient sa mort. Dans un langage théâtral aussi habile que des coups d'épée, les mots ressemblent à des armes et les silences à des boucliers dissimulant et révélant désirs, solitude et détresse. Isabelle Gyselinx, metteuse en scène d' « Avalanche » en 2010, s'empare de cette oeuvre sculptée dans l'humour noir et la poésie, accompagnée de sa magnifique distribution. "Quai Ouest", présentation par Isabelle Gyselinx
Et puis le masque d'horreur de Rodolphe, monstrueux et débile Quasimodo des temps modernes, mais qui sait nous émouvoir, parfois. POINTS FAIBLES 1/ Trop grand, trop long, trop large! La mise en scène, pas assez resserrée, avec une multiplicité de personnages de l'ombre qui errent souvent comme des âmes en peine, dirait ma grand mère, sur un trop vaste plateau plongé dans des clairs obscurs approximatifs. Les acteurs se cherchent et les spectateurs se perdent. 2/ Noir c'est noir...! La dernière scène incompréhensible, invraisemblable et qui n'en finit pas, jouée par Charles, le sauveur providentiel, et Abad, le noir taiseux, qui joue dangereusement d'une kalachnikov obligeamment prêtée par Rodolphe, le père de famille jaloux, aigri vindicatif, au point de mettre un point final à la pièce. 3/ Trop c'est trop! QUAI OUEST le samedi 19 février 2022. A-t-on besoin de couvrir la scène de tant d'immondices, symboliques certes, mais omniprésents, pour illustrer la misère de ces laissés pour compte, la noirceur de leurs sentiments, la panne irrémédiable d'un monte charge social à l'abandon?
S'enchaînent les confrontations ménagées par Koltès dans ce non lieu, cet endroit où il n'y même plus d'eau, dernier signe d'abandon, ce piège dont personne ne peut se libérer, où tous les personnages errent en se donnant l'impression de prendre des décisions: les bourgeois qui s'y retrouvent pour mourir comme ceux qui y vivent, émigrés d'Espagne ou d'ailleurs. "Quai ouest" de Koltès mis en scène par Ludovic Lagarde au Théâtre Nanterre-Amandiers - errances dramaturgiques - La Parafe. Le seul combat qui reste n'est pas celui des personnages entre eux, qui échangent tout (clés de voiture, kalach, botte, briquet, corps, mouchoir…), mais celui des acteurs avec le texte. Leurs affrontement se déroulent dans la scénographie d'Antoine Vasseur, proprette à l'exception de quelques taches d'eau au sol qui viennent troubler sa monochromie. Elle retient cependant l'attention car elle est multiplement trouée, par des passages, des fenêtres, la porte du hangar qui s'ouvre et se ferme – ouvertures par lesquelles se laisse apercevoir l'écran du fond sur lequel sont projetées les textures aquatiques. On se prend à regretter les containers de Chéreau, mais l'espace a pour qualité d'être ludique, poreux.
Au moment où le théâtre a les yeux rivés sur les grands classiques, l'univers de Koltès fait donc l'effet d'une bombe. Il inscrit ses personnages dans une réalité très contemporaine: un chantier de «Blancs» en Afrique, les docks malfamés de New York, une province en pleine guerre d'Algérie. Il parle de racisme, d'exclusion et d'homosexualité par détournements. Scrute l'humain à travers les rapports de forces, la violence familiale, la quête perpétuelle du désir et de l'identité. Jacques Nichet, qui présente actuellement Combat... à Paris, considère ainsi que «Koltès est un griot. Quai ouest koltes texte d’anna. Comme tout bon narrateur, il invente des histoires entre le conte fantastique et le mythe». C'est certainement dans sa pièce posthume, Roberto Zucco, que cette dimension est la plus forte. En s'inspirant de l'histoire récente d'un jeune serial killer du nom de Succo, à la beauté angélique, Koltès sait qu'il s'expose au scandale. Interdite à Chambéry, en 1991, où un agent de police avait été tué au moment des faits par le vrai meurtrier, la pièce présentée par Bruno Boëglin, premier metteur en scène de Koltès, en 1977, soulève un débat houleux entre réalité et fiction.
Alors que les recoins de la scène n'ont toujours pas été révélés au regard, que l'obscurité persiste malgré ses métamorphoses depuis le début, le bras de fer s'intensifie. Nuit ou jour, crépuscule ou aube, le moment est indécidable. La perception de Claire, qui boit trop de café et passe ses nuits sans dormir, s'interpose peut-être. Quai ouest - Bernard-Marie Koltès, - 4 Isabelle Gyselinx, - theatre-contemporain.net. Des fils paraissent se tisser et ainsi faire entrer dans les arcanes du texte. Mais non. Le corps de Koch tombe à l'eau, eau figurée sur un écran en fond de scène – quand ce n'est pas la pluie, ou le ressac grâce à des lignes troubles, ou des étoiles. Le clair-obscur qui nous sollicite depuis le début car il nous résiste, laisse place au soleil qui dérange Charles. Désormais, les lumières seront constamment changeantes, la résistance laisse place à une variété qui plutôt que de susciter la curiosité laisse progressivement indifférent. Il apparaît progressivement qu'il n'y a pas de parti pris qui permette d'entrer dans l'œuvre de Koltès, la mise en scène est littérale.
Sur les quais d'une ville portuaire abandonnée, dans ce que Bernard-Marie Koltès nomme un hangar désaffecté, une rencontre impossible a lieu. Un homme d'affaires, Koch Maurice, qui fuit un procès pour abus de bien sociaux et un jeune homme, Charles, fils ainé d'une famille d'immigrés habitant encore les lieux, vont nouer, sans le savoir, leurs destinées. Maurice, suivi par sa secrétaire Monique, est à la recherche d'un endroit qu'il a connu par le passé afin de se suicider et s'éviter ainsi tout procès. Il est certain qu'en traversant ce hangar il retrouvera le bord du fleuve («… là où l'on a une bonne vue sur le nouveau port…») pour y mettre deux pierres dans ses poches et se noyer. Charles, parce qu'il a besoin de cet homme, tente de s'opposer à sa demande mais en vain, Maurice réussit à passer et se jette dans le fleuve. Il est sauvé par Abad, un noir qui ne s'adresse qu'à Charles et dans le creux de son oreille. Monique retrouve Maurice trempé et blessé. Désespérément, elle cherche, avec sympathie, haine, chantage… à trouver une solution pour sortir de cet enfer qui fut autrefois le quartier de son enfance.