Arrive alors le morceau de choix, le fameux Banquet, et là, c'est Rabelais réincarné. Vous vous y perdrez, sur presque 100 pages, mais c'est merveilleux, truculent, réjouissant. Un vrai remède à la mélancolie de l'époque. Les discours sont des morceaux de bravoure, notamment le « Discours de Bittebière introduisant l'écologie au fond du cercueil ». Et puis le « Trou du milieu & chanson à boire » est un régal. Mais ne vous attardez pas sur le menu si vous voulez éviter l'indigestion. Quant à la boisson on en a « vite perdu le compte » entre le chenin, le gamay, le chinon et les autres. Après le « Dernier rituel. Buvons heureux en attendant la mort » et un nouvel intermède, vous rencontrerez bien d'autres personnages, qu'on aurait tous envie de mieux connaître, dont Pélagie qui parle le patois du Poitou. Avec le retour du journal de David Mazon, vous allez avoir de sacrées surprises. Peut-être parce que le Marais poitevin est vraiment une terre de mystère. Complot dans le milieu littéraire. On y vient à ses risques et périls… Le Banquet de la Confrérie des fossoyeurs de Mahtias Énard, Actes Sud, 2022, 432 thias Énard et le Liban, c'est toute une histoire.
Avant la lecture, une carte permettra au lecteur de se repérer. Ensuite il faut se mettre en plongée dans ce livre, et ne pas s'arrêter. Il est important de prêter attention à l'épigraphe de Thich Nath Hanh citant Bouddha et de s'en souvenir: « Dans nos existences antérieures nous avons tous été terre, pierre, rosée, vent, eau, feu, mousse, insecte, poisson, tortue, oiseau et mammifère. » Tout commence un 11 décembre. David Mazon, un jeune anthropologue qui prépare sa thèse, s'installe à La Pierre Saint-Christophe pour être sur son terrain de recherches et décide de tenir un journal. Il comprend vite qu'il va devoir cohabiter avec certaines bêtes qui lui plaisent modérément, en particulier les vers rouges se promenant dans la salle de bains. Son adaptation au village est difficile. Il fait froid, il se sent seul, il s'ennuie de Lara, restée à Paris. La révolution au féminin - L'Orient-Le Jour. Autre signal auquel le lecteur doit prêter attention, le nom de Rabelais, qui apparaît dès la page 32. Dans son journal, David raconte ce qu'il fait, ses observations au café du village, ses rencontres.
Alexandra Kollontaï, La Walkyrie de la Révolution d'Hélène Carrère d'Encausse, Fayard, 2021, 312 p. Madame Carrère d'Encausse nous livre une fort remarquable biographie d'une personne assez connue en son temps, mais assez oubliée aujourd'hui sauf des spécialistes de l'histoire russe et soviétique et du féminisme. C'est le sort en général de ceux qui sont immédiatement à côté des acteurs majeurs de la scène politique: ils apparaissent par ci par là au gré des études sans que l'on ne les connaisse vraiment. Alexandra est née en 1872 dans un milieu aristocratique russe assez privilégiée mais de parents déjà plutôt anticonformistes. Elle reçoit une éducation assez cosmopolite lui permettant d'apprendre plusieurs langues. Complot milieu littéraire design. Elle épouse Vladimir Kollontaï en 1893, à l'âge de 22 ans, devenant ainsi pour toujours Alexandra Kollontaï, même si ce mariage ne dura pas et que d'autres hommes partageront ensuite sa vie. Elle rejette rapidement la vie heureuse de maîtresse de maison et d'épouse qui était devenue pour elle une prison.